1. UNE APPROCHE SYSTÉMIQUE NOUVELLE

 

Exiger un travail de rigueur, mais une rigueur enthousiaste, portée par des idéaux de respect, de vérité, d’honnêteté : tel est le chemin difficile qu’emprunte cette démarche. Il s’agit d’un travail d’architecturologie au sens où le définit Philippe Boudon, c’est-à-dire d’un travail sur la conception en architecture, devant déboucher sur un travail d’architecture.

 

Elle part d’une analyse historique : l’architecture, à partir du XIX° siècle et l’introduction massive du métal, a vu se réarticuler les 4 sous-systèmes qui, reliés, forment le « système architecture » :

 

1) la FONCTION, système topologique de répartition des activités dans le bâtiment

2) la CONSTRUCTION, système physique qui porte, cloisonne et équipe le bâtiment

3) la COMPOSITION, système géométrique d’unité et de division du bâtiment

4) l’IMAGE, système esthétique d’explication du bâtiment

 

Pour chacun de ces 4 « pôles », on procèdera avec des outils propres, qui constituent les savoirs techniques des concepteurs.

Nous sommes bien dans une approche systémique dans la mesure où tous les composants sont interdépendants, sans hiérarchie, et que l’action sur l’un peut avoir une incidence sur l’un ou les autres.

Jusqu’au milieu XIX° siècle, on peut considérer une résolution typologique du système : un tribunal, un palais, une maison, répondaient à un équilibre particulier entre les 4 termes. L’indépendance relative prise par chacun des pôles, notamment avec la dissociation façade/structure ou plan/structure, a induit, par une ouverture maximale du champ des possibles, une dislocation des types et, en corollaire, un éparpillement dans la compréhension des bâtiments et des villes.

L’objet de notre démarche n’est pas de revenir en arrière sur cette évolution hitorique, mais de maîtriser les enjeux de la dislocation, autrement dit de maîtriser les termes de régulation du système « architecture ».

 

Pour ce faire, nous représentons les 4 « pôles » sous la forme de 4 sommets d’un tétraèdre, et nous allons jouer avec !

 

Cela peut devenir intéressant et opérationnel si l’on rapproche chaque pôle 1 à 1. On ouvre alors des champs de réflexion, que l’on peut appeler « thèmes » en référence aux travaux de O.M. Ungers en architecture et de G. Holton en sciences. Ce dernier parle de la capacité de « themas » pour une conflagration du sens, une sollicitation de l’imagination, une évocation de grandes représentations du monde (exemple : atomisme/continuité, simplicité/complexité, invariance/évolution/catastrophisme,…).

 

Quels sont ces thèmes ?

Ce sont des problématiques abordées de tous temps par l’architecture, mais que, ici, nous positionnons dans un système global les reliant.

 

Thème 1 vs 2 = Fonctionnalité

Faciliter les liaisons, procurer des ambiances physiques précises, favoriser l’évolutivité : autant d’exigences de la fonction auxquelles le système constructif doit répondre, à des degrés divers selon le programme. Débat en termes de performance des options constructive et topologique, et de leurs liens.

 

Thème 1 vs 3 = FONCTION vc CONSTRUCTION = Distribution

Il existe 4 principes de distribution, à ne pas confondre avec des systèmes de composition : principes linéaire, arborescent, combinatoire, rhizomatique. Entre la lisibilité claire d’une hiérarchie de volumes, et la complexité voulue d’une pluralité, il y a toute une marge d’expression de la manière d’ordre de la fonction par le système de relations géométriques. La composition peut-elle atteindre la clarté sans être un corset pour l’épanouissement de la fonction ?

 

Thème 1 vs 4 = FONCTION vs IMAGE = Symbolique

Entre « paraître pour être » et « être pour paraître », se profile le débat entre « forme a priori » et « forme a posteriori ». Ce débat est celui du fonctionnalisme quand il exige que la fonction s’exprime par la forme. Il pose le problème de la lisibilité, et par conséquent celui de la perception et de la mémoire.

 

Thème 2 vs 3 = CONSTRUCTION vs COMPOSITION = Structure

Manière dont les différentes parties d’un ensemble sont disposées entre elles et solidaires, et ne prennent sens que par rapport à l’ensemble. On distinguera deux extrêmes entre lesquels se situer : la construction guide la composition / la construction obéit à la composition

 

Thème 2 vs 4 = CONSTRUCTION vs IMAGE = Matérialité

Quatre types de référends ont commandé l’histoire de l’architecture : la nature, les productions de l’homme (machines), l’architecture elle-même (« Tendenza »), et l’abstraction.

 

Thème 3 vs 4 = COMPOSITION vs IMAGE = Territorialité (échelle)

Du culte de l’objet à son camouflage, la territorialité traduit l’expression des volumes à lire, nourrie par la notion de paysage visuel et de parcours mobile (piétons, auto, avion, …). Elle est donc indissociable de la notion d’échelle, de celle du détail à celle du paysage.

 

Toute l’ « architecturologie » d’un projet va donc consister à partir d’un ou plusieurs des 4 pôles et/ou d’un ou plusieurs des 6 thèmes, de les combiner, et d’intégrer progressivement les autres dans une « dynamique projectuelle ».

C’est ce que schématise la succession des tétraèdres ci-contre.

Cette dynamique est donnée à lire comme une succession de « débats », soit purement internes, soit soumis à externalisation, c’est-à-dire à un processus de participation.

La tâche la plus importante et la plus difficile est donc la « modélisation » de ces débats, c’est-à-dire la manière de quadriller le champ de la pensée.

Des schémas et des tableaux en seront des outils.

 

Prochainement, nous tenterons d’expliciter la démarche à partir du cas concret de la genèse du Nil, projet-phare de l’agence.

Nous montrerons notamment comment les problématiques de développement soutenable ne sont pas à plaquer sur notre travail, car elles font partie de l’essence même de la démarche.

 

De l’architecture à tous les territoires

Une extrapolation de la démarche au domaine de l’urbanisme a été explorée pour la thèse du Mastère de Génie Urbain de l’École des Ponts en 1995 (voir Projets / urbanisme / étude sur Rodez).

Elle trouve sa pleine justification dans la prise en compte des facteurs urbains multiples dès lors que l’on pense la ville en termes de recomposition de logiques sectorielles. La ville, décomposée en Rx, Bx, Vx comme le bâtiment l’est en Fonction/Construction/Composition/Image, peut être étudiée sous l’angle de leurs intéractions, et recomposée sous l’angle de projets urbains conscients.

 

LA DEMARCHE

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